Madame la chancelière Angela Merkel,
Je voudrais d’abord vous faire part de mon admiration, mêlée d’estime, pour votre attitude si hospitalière face à la vague migratoire de citoyens syriens forcés à l’exode, qui ont trouvé dans l’Allemagne démocratique et humaniste – que vous reflétez si bien – leur terre d’élection rêvée après le long cauchemar vécu durant leur ténébreux parcours, depuis leur déracinement du sol natal, devenu infernal.
La politique d’assistance de votre gouvernement à une population en danger a donné le ton et l’exemple à l’échelle européenne et a démontré, une fois de plus, la vocation humanitaire de l’Allemagne qui s’est placée à la tête des pays hospitaliers pour offrir l’asile à des centaines de milliers d’exilés dont la seule faute aura été d’être nés sous la mauvaise étoile d’un régime dictatorial et assassin.
Parlant de ce régime, permettez-moi cependant de ne pas adhérer à l’idée d’impliquer son chef dans des négociations, sauf si elles devaient conduire à son éviction du pouvoir et, au mieux, sa comparution devant les tribunaux pénaux internationaux.
Au nom des plus de 250,000 tués, des millions de déplacés, des centaines de milliers de disparus et de détenus, au nom des milliers de suppliciés dans les geôles de ce régime, au nom des enfants gazés de la Ghouta orientale, des familles massacrées à Banias et ailleurs, au nom des innombrables victimes de barils de TNT, de missiles scud, au nom d’un patrimoine syrien en ruines, des villes et villages en cendres, au nom d’une Syrie exsangue et meurtrie, au nom de ce qu’il reste d’humanité en ce monde, au nom de l’éthique, au nom de la morale… cette machine (in)humaine à tuer, qu’il me répugne de nommer, n’est ni négociable, ni réhabilitable.
Ce raz-de-marée migratoire, qui a fait tant de noyés, que l’Europe a de la peine à contenir, n’est-il pas l’effet direct de cette cause maléfique ? N’aurait-il pas été plus judicieux d’éliminer la cause plutôt que de traiter ses effets ?
Les Droits de l’homme ne peuvent être préservés sans le devoir de justiciabilité, et le peuple syrien martyr ne pourra reposer en paix tant que son Bourreau se repose dans l’impunité, entre un massacre et l’autre.
Il serait, par conséquent, immoral de remettre en selle le responsable premier de la tragédie syrienne, dont les crimes rivalisent avec les plus grands criminels de guerre de l’histoire.
Pour cela, j’appelle la communauté internationale, à travers vous, à évaluer l’ampleur des crimes commis par ce dictateur et à asseoir sa Justice afin que le vingt-et-unième siècle ne soit pas marqué par une injustice grave, susceptible d’encourager d’autres criminels à sévir dans l’impunité ; afin que le vingt-et-unième siècle ne marque pas un recul par rapport au siècle précédent dans le respect du « Droit international des droits de l’homme ».
Avec mes meilleurs sentiments,
Samir Geagea.